A l’origine, l’idée de pagayer dans la baie de Prince William (PWS) est venue en 2019 à la fin d’une expédition au Groenland. Marc et moi étions partis seul en autonomie à Upernavik au niveau du 73e parallèle. Cependant, nous n’avions pas pu concrétiser ce projet à cause de la période Covid.
Nous nous connaissons bien car ce n’est pas la première fois que nous partons ainsi en autonomie: il y a eu bien sûr Upernavik en 2019 mais aussi les semaines lors de notre tour de Belle-Île en Bretagne en 2020 et des îles du Glénan en 2021. Autant dire que les grandes traversées ne nous font pas peur.
En revanche, c’est la première fois que nous partons en Alaska sans Christian (Christian Scalbert), qui nous a fait découvrir cette région difficile et sauvage. Grâce à lui, je suis parti en Alaska en toute confiance faire le tour de la baie de Prince William en 2008, naviguer près d’Akutan dans les îles aléoutiennes en 2011, parcourir la péninsule de Kenai en 2012, longer l’île de Kodiak en 2009 et enfin faire le chemin de Whittier Valdez en 2016. Marc était avec nous aux îles aléoutiennes en 2011 et est parti avec Christian aussi à Juneau en 2013.
Certes, l’Alaska ne nous est pas complètement inconnu, mais la préparation de l’expédition nous rappelle les expériences passées avec tout ce que Christian a géré pour nous tenir en sécurité. Il nous a aussi transmis un savoir-faire; Cette fois ci, Marc et moi allons composer seuls avec les conditions météos et maritimes très changeantes de l’Alaska et faire les bons choix de navigation. Revenir sain et sauf.
PWS est une baie qui fait pratiquement la taille de la Bretagne. Abritée du Pacifique par les trois grandes îles Montague, Hinchinbrook et Hawkins Islands, la baie a toujours été adaptée à la pratique du kayak.
Un mélange de montagnes (Chugach) et de mer. La population « native » de Prince William Sound est essentiellement composée de Alutiiq, divisée elle même en plusieurs groupes.
Toutefois, la vie à terre avec la présence des ours peut inquiéter. Les préventions anti-ours de la région nous alertent. Avec plaisir, je suis obligé de citer cet article paru dans le « Le Temps » sur la région de Whittier :
Pas rassurant le Victor ! Christian avait embarqué un épieu en 2003, un gun en 2009, un arc en 2012… utile surtout lorsque je me remémore notre expérience extrême à Kodiak. Je réfléchis à prendre une arbalète qui est moins encombrante qu’un arc. Finalement, nous optons pour l’indispensable : spray anti-ours et des fusées de détresse.
Ensuite, il faudra appliquer quelques règles de base préconisées : c’est à dire « ne cuisinez pas près de votre tente, n’ayez rien qui pue dans votre tente, stockez votre nourriture en toute sécurité loin de votre camp et de manière à ce que les ours ne puissent pas y accéder… Cherchez également des signes d’ours là où vous cherchez à camper et essayez d’éviter toute zone où il semble qu’il y ait un sentier majeur ou des excréments d’ours. Faites également du bruit lorsque vous atterrissez sur une plage ou que vous vous promenez dans les bois ou les hautes herbes. ».
Un espoir tout de même: notre puanteur après cinq jours pourrait bien faire fuir n’importe quel ours !
Le chemin vers la mer de Prince William Sound commence le samedi 11 juin au départ de France depuis l’aéroport de Paris CDG vers Seattle puis de Seattle vers Anchorage. Avec les 10 heures de décalage horaire, nous arrivons à Anchorage le samedi à 18h. Il faut ensuite un trajet de deux heures en voiture pour rejoindre Whittier qui sera notre point de départ de l’expédition en kayak. Pour Marc, il y a une étape en plus pour rejoindre Paris CDG depuis Biarritz.
Premiers vols et les premières difficultés : la Delta va changer au dernier moment l’horaire du premier vol de Marc, ce qui l’obligera à faire une course remarquable du terminal 2G au 2E en quelques minutes à travers les voyageurs, les files d’attente du bus et du contrôle douanier pour arriver tout juste avant la fin de l’embarquement. Super Marc !
Cela part encore mal lorsqu’on apprend qu’un des sacs d’expédition a eu un problème de transit entre Biarritz et Seattle. Heureusement tout se termine bien car on avait prévu une nuit à Anchorage avant de prendre la route de Whittier le lendemain matin. Le sac perdu sera déposé à notre hôtel à Anchorage le dimanche à 5h du matin.
Nous arrivons à Whittier le dimanche matin vers 11h où nous retrouvons Ryan Collins, propriétaire de Paddlers’ Realm qui nous loue deux superbes kayaks Explorer en fibre de verre. Ce choix est volontaire. Nous voulons faire de la distance et être le plus léger. La veille nous avions récupéré des courses au drive du Walmart d’Anchorage vers 21h. Un énorme chariot incluant des vivres pour 18 jours ! Le drive : superbe optimisation trouvée par Marc pour nous faire gagner du temps. On est à fond !
Le choix des 18 jours de vivres est décidé depuis longtemps. Il n’y a que trois « villes » dans la baie pour se ravitailler : Whittier, Cordova et Valdez. Cette dernière est trop loin dans un fjord au nord pour imaginer y aller. Et de l’autre coté, Cordova est à l’opposé de la baie et surtout est une zone vasière, pas très sexy pour un kayakiste.
Sur l’itinéraire, je suis un peu gêné car très vite on nous demande notre itinéraire de navigation. En fait, nous n’en avons pas ! Nous avons plutôt des souhaits : Marc voudrait voir le glacier de Chenega, j’aimerais retourner sur l’île la plus sauvage Montague, et nous avons envie tous les deux de faire l’ouest de la baie en priorité.
Nous passons bien deux heures à charger nos kayaks. Au final, ils pèsent environ 60 kg chacun.
Nous posons nos premiers coups de pagaie le dimanche vers 15h. Il est 1h du matin en France. L’aventure commence !
Le premier objectif est de descendre dans le sud pour rejoindre si possible le glacier de Chenega – distance d’environ 56 mn (mille nautique) soit 100 km en passant par le passage de Culross.
Nous nous arrêtons raisonnablement après 13 km le dimanche soir au cap « Decision Point » avant de commencer une traversée.
Nous rencontrons alors deux kayakistes d’Anchorage qui terminent quelques jours de navigation. C’est sympa d’échanger avec eux : ils partagent avec nous leur itinéraire et leurs bivouacs. Nous ne pouvons que rester vague sur notre itinéraire. Après tout, nous ne sommes pas des touristes dans un voyage organisé !
Le lundi, la mer reste calme et le temps est gris. Nous rejoignons le magnifique passage de Culross entre les montagnes, pour finir le soir au cap Lighthouse. Le ton de l’expédition est donné : 20 mn de parcouru (36 km).
Premier feu de camps. Première toilette dans un torrent. Ça y est, nous sommes rentrés dans l’expédition ! Seul bémol, la zone est une zone de passage des saumons et toute la nuit, les bateaux de pêche commerciaux tournent pour ramasser leurs filets.
Le mardi 14 juin sera mémorable car nous allons parcourir 29 mn (54 km) pour une navigation de 10h30. La veille nous nous sommes accordés pour rejoindre le glacier Chenega à 30 mn, mais en faisant une étape sur le chemin !
Il est très rare de faire de si longue journée en kayak. Le corps n’aime pas. Crampes aux jambes, épaules qui chauffent ou dos en compote… Mais heureusement ces 10h30 ne valent pas les 13h qui nous avions subit lors de notre parcours de Whittier à Homer en 2012 avec Jean-Jacques Lemoine et Christian. Il faut parfois se féliciter de ne pas battre des records !
Le matin, nous descendons plein sud et saluons les pêcheurs qui le veulent bien. Près de l’ile Crafton, un gros zodiac nous interpelle « Do you want a fish ? ». Trop cool. Ils nous donnent un saumon. Vingt minutes plus tard, deux jeunes filles sur un autre zodiac nous lancent un « Do you want a fish ? ». Sérieux. Le temps s’arrête et on se raconte notre vie. Elles sont d’Homer et travaillent ici pour la saison. A regret, nous sommes obligés de refuser un deuxième gros saumon… et surtout de continuer notre route.
C’est un beau cadeau car c’est difficile pour nous de pêcher du saumon avec notre matériel. Nous pratiquons bien la pêche en kayak, mais le plus souvent à la dandinette ou à la traine donc sans canne à pêche. Nos bagages et nos kayaks sont déjà trop chargés. A la traîne, il est rare d’avoir du saumon. Ce que l’on attrape facilement, ce sont les bars arctiques, cabillauds, carrelets ou rock Fish. Marc va être le meilleur pêcheur de l’expédition. Pratiquement tous les soirs, il pêche au moins deux poissons.
L’après-midi du mardi, nous passons dans « Dangerous Passage » qui longue l’île de Chenega au nord.
En 2008, nous avions exploré cette île en recherchant le village de Chenega. Un tsunami en 1964, conséquence d’un tremblement de terre, détruisit complètement la ville et tua de nombreux Chugach. Aujourd’hui, le village a été déplacé plus à l’abri sur la côte sud de l’île Evans.
Nous longeons donc la côte nord du passage. Le temps est gris et le vent apparait très changeant et local. Il descend des montagnes, et selon le relief, il nous aide ou nous ralenti. Parfois avec des accélérations surprenantes. Heureusement qu’il n’est pas plus fort. Je repense aux risques de vent catabatique et aux conseils de Christian avant de partir. Rester vigilant, observer et ne pas rester forcément près des côtes !
Il était prévu que nous trouvions un bivouac… Notre carte en mentionne un. Il y a bien des plages mais vu les coefficients de marée, nous prendrions le risque d’être inondé dans la nuit. Sur le chemin, nous remplissons nos vaches d’eau (5 litres chacun en plus sur nos kayaks chargés) et c’est reparti pour 2 heures de navigation. Nous finirons à 18h30 sur une île juste avant le glacier de Chenega.
Vidage du saumon, montage des tentes, préparation du feu, repas… Couché à minuit avec nos 54 km dans les bras.
Mais du coup, c’est la grâce matinée le mercredi ! On est sur l’eau uniquement à 10h. Et là on rentre dans le fjord Nassau : d’abord la vue d’un glacier, de la glace partout, des familles de phoques qui vocalisent. Sur les plages, il y a encore de la neige. Il fait aussi plus froid.
En sortant du fjord, on croise également des familles de loutre, et aussi deux orques. Ils sont un peu loin mais on les observe quelques minutes. Un peu plus tard, on verra une baleine, des pygargues et d’autres loutres.
Pour voir toute cette galerie « Chenega Glacier (2022)«
Enchanté par cette matinée, nous décidons d’aller voir un autre glacier « Bainbridge » situé au sud-ouest et exposé au pacifique. Nous finissons la journée à l’entrée du passage Bainbridge. Marc pêche deux beaux bars arctiques. Le baromètre remonte. Top.
Ce jeudi 16 juin, nous croisons une baleine dormante, mais nous n’osons pas trop nous en approcher. Elle parait tellement énorme ! un petit coup de nageoire et elle nous envoie sous l’eau ou dans les airs. Au choix.
Nous commençons à descendre vers le sud-ouest. Mais, nous nous rendons compte très vite que le courant est contre nous : nous remontons une rivière ! Ryan nous avait pourtant prévenu qu’il y avait du courant dans ces passages. Mauvais timing. Marc me dit en souriant « on aurait dû faire 50 km hier pour avoir la montante ».
Le long de la berge, le contre-courant génère des mouvements d’eau circulaires très gênants. Nous décidons de faire un bac pour aller voir sur l’autre berge : sa largeur fait tout de même 500 m ! La zone de contre-courant est alors plus petite et au moins, notre kayak reste stable.
Une otarie joue avec moi pendant plusieurs minutes. Elle passe sous le kayak et s’approche de plus en plus. C’est fascinant.
En fin de matinée, un vent de suroît régulier se lève. La traversée pour rejoindre le glacier se fait l’après-midi sous un vent de travers. Les vagues sont régulières et sans danger.
Le glacier est derrière une bande de terre, mais reste accessible en kayak par un petit passage au sud. Tout est beau et sous le soleil. Nous nous installons à l’entrée du passage, sans penser que le lendemain matin, ce plan d’eau calme sera une rivière impossible pour embarquer.
Pour voir toute cette galerie « Bainbridge Glacier (2022)«
Le soir, Marc répare la dérive de son kayak. Heureusement qu’il a prévu des pièces de rechange.
Pendant toute l’expédition, le taux d’humidité est resté très élevé. Les moustiques ont été à la fête et nous ont attaqués tous les jours. Je crois vraiment qu’il est possible de devenir fou à cause d’eux. Ils piquent n’importent où ; ils rentrent dans les oreilles, la bouche, les narines et se noient dans votre bol de céréales, ou dans votre verre de whisky ! On se donne des tapes, des claques comme des tics ! Assoiffées de sang, c’est un vrai film d’horreur. Horreur aussi lorsque je vois la tête de Marc avec plein de gros boutons. Il n’a pas pris sa moustiquaire de tête. Le seul répit est lorsqu’il y a du vent, lorsque que nous sommes sur l’eau ou qu’il fait très froid. La tente est aussi un refuge.
Insolite, dans la nuit vers 4h30 du matin, la marée commence à descendre et avec elle tous les glaçons qui étaient près du glacier !
Le vendredi 17 juin de tous les dangers.
Nous sommes sur l’eau à 8h30 avec une mer d’huile et un grand soleil. L’« Inreach Explorer » annonce un vent de 20 km/h Sud, un peu plus que les jours précédents, mais pas de quoi fouetter un chat. L’objectif est d’atteindre Latouche Island via le Elfington Passage.
Pour s’échauffer, on s’était fait un portage de kayaks sur 50 mètres pour pouvoir embarquer, la marée descendante ayant créée une véritable rivière à l’entrée du glacier.
La descente vers le sud se fait super rapidement avec la marée descendante. Une légère houle est visible. Vers 10h30 nous sommes à l’étale de basse mer et prêts pour une traversée d’une heure vers l’ile Evans et l’entrée du passage Elfington. Vu le temps et confiant de nos jours passés, nous n’avons pas fait de relevé GPS. Le vent est conforme au prévision météo.
Nous faisons une petite halte pour prendre des photos de lions de mer sur « Procession Rocks ». Les vagues sont petites et nous abordent sur l’avant droit. Après 30 min, les vagues grossissent d’un coup. On se retrouve avec des vagues de 2 mètres. Elles ne déferlent pas. Grosse inquiétude. Un retour en arrière signifierait du surf pas très confortable. Au loin, j’ai l’impression que c’est mieux. Marc et moi sommes habitués aux vagues. Marc navigue près de Bayonne et moi en Bretagne…
Effectivement 20 minutes plus tard, nous avons passé le train de vagues. Tout redevient normal. Ouf. Par contre, le vent est monté. Au cap, vu l’état de la mer, nous préférons revoir nos plans et de prendre un autre passage : le Whales Passage. Bonne décision.
Mais mauvaise analyse. Nos cartes sur le pont ont une échelle trop grande et on y voit mal le passage visé. En fait, nous étions au cap Elrington et non Evans. Visuellement, nous avions pris le mauvais cap. Puis en partant vers le Whales Passage, nous avons traversé l’entrée du passage Elrington sans nous en rendre compte. Nous sommes petits dans cette immensité. Faut dire qu’on était aussi un peu secoué de notre traversée. On s’en rendra compte uniquement plus tard à notre retour en France !
Deuxième accro, à l’entrée du Whales Passage, nous tombons sur une zone de courant. Un mouvement circulaire d’au moins 100 mètres. Grosse hésitation. Très vite on tombe dans une zone où les courants sont du n’importe quoi ! sur 50 mètres, ils changent au moins trois fois de sens. Avec un kayak de slalom, j’aurais adoré. Je vois Marc passer sans problème.
La suite est plus calme et passe vite car le courant nous porte jusqu’au nord de l’ile Evans où nous nous posons pour la nuit. Nous aurons croisé aussi une baleine et un macareux. Un beau bateau moteur est stationné dans la baie. Dans la soirée, l’occupant Chrys vient nous voir et nous offre quatre bières. Je comprends qu’il travaille à Arctic Fox Adventure et fait des voyages privés. Très sympa. Il nous donne des infos précieuses sur les prévisions météos des jours à venir, en particulier le vent. Tout est au vert et pour au moins quatre jours. Après cette rencontre, nous ne reverrons plus d’humain pendant 4 jours. Un peu de solitude ne fait pas de mal.
Le lendemain samedi, nous croisons une bande de marsouins, puis des dauphins ; mais le temps est pluvieux et sans visibilité. Nous faisons une pause de ½ jour au nord de Latouche Island. Ce repos est bienvenu car nos merathons journaliers commencent à se sentir sur les épaules. Le doute s’installe quant à ce que l’on veut faire et sur les provisions restantes. En fait, il n’y aura que les petits déjeuners qui seront justes, remplacés pendant 3 jours par les nouilles minutes.
Après une bonne nuit, le moral est revenu. Nous décidons de traverser vers l’ile Montague le dimanche. Le plan est de rejoindre Green Island au nord de Montague puis de revenir sur Knight Island. Une petite boucle de 70 km (39 mn) avec trois grosses traversées.
Tant pis pour l’exploration de Latouche Island. Je l’avais repéré car cette île avait accueilli jusqu’à 4000 personnes en 1918, au plein boum de l’exploitation de la mine de cuivre Beaston. https://explorenorth.com/alaska/history/latouche.html. Aujourd’hui plus rien, mais forcément il doit rester des traces. Je me dis que ce sera pour une prochaine fois ! je préfère l’idée de l’île de Montague.
J’ai un très bon souvenir de Montague car très sauvage. Les pêcheurs n’y descendent pas. On s’y sent coupé du monde. C’est ici aussi que nous avions vu passer une bande d’une vingtaine d’orques lors de notre tour de la baie en 2008. Mon espoir est que nous fassions ce genre de rencontre dans nos trois traversées.
A la fin de l’expédition, nous apprendrons que les autorités Alaskan y déposent les ours agressifs ou qui s’approchent trop des humains. J’aurais préféré ne pas le savoir si j’y retourne un jour !
Nous longeons donc Montague le dimanche 19 juin pour y passer une nuit avec les « bad bears » en toute inconscience. Nous n’y verrons aucun ours, mais plusieurs fois des cerfs sika, des otaries, des oies, des mouettes, des phoques, des huitrier pies… Les paysages sont indescriptibles. Nous sommes seuls et j’aime imaginer que (presque) personne ne vient ici. En contradiction totale, c’est le premier jour où nous captons en GSM. Cordova n’est pas si loin. Content de joindre la famille !
Pour voir toute cette galerie « Montague (2022)«
Nous traversons vers Green Island le lundi. La vue est toujours superbe : à la fois les montagnes de Montague, l’ile Knight et au loin les montagnes Chugach de Valdez. Sur l’île verte, la plage est de sable fin ! Vu le timing, nous n’y faisons qu’une halte et nous revenons l’après-midi sur la côte Est de Knight Island.
Un peu déçu de n’avoir pas vu de baleines mais tellement content d’avoir réussi la boucle !
Pour fêter cela, nous faisons un grand feu totem sous la pluie. Inutile de penser que nous avons danser autour du feu. Demain, nous remonterons au nord de l’île pour passer côté Ouest, encore plus à l’abri. Nous y retrouverons des humains.
Nous sommes aussi à la moitié de notre expédition. Il nous reste à peine 9 jours. Nous décidons de rejoindre les glaciers du nord-ouest de la baie : Cascade, Coxe, Surprise, Serpentine, Harriman…
Mardi 21 juin, nous remontons donc l’île de Knight par l’est avec sa vie sauvage : des loutres partout, une bande de marsouins, des phoques, une baleine… pour passer dans un passage splendide « Lower Passage », sous le soleil et une mer d’huile. Quel contraste avec la veille. Encore une idée pour revenir : le nord de ce passage et l’île Naked.
La première plage visée pour le bivouac est squattée par les aigles, charognards mais tellement majestueux. Une otarie en décomposition est sur la plage. La deuxième sera la bonne. Nous sommes plein ouest. Il fait très chaud !
Mercredi : sous un ciel dégagé, nous avons une superbe vue de la montagne Chugach. On voit de loin le glacier Columbia. Faut dire que le point culminant du mont Baker est de 4016 mètres. Je crois que nous sommes chanceux d’être là. Nous faisons une longue traversée pour rejoindre le continent, puis nous progressions jusqu’au sud de l’île Culross.
Jeudi : nous remontons le Passage Esther en surf sur des vagues qui n’ont pas à rougir. Le passage est squatté par les pêcheurs, mais nous arrivons à voir : otaries, lions de mer et pygargues. Nous y dormons une nuit. A minuit, nous sommes obligés de remonter les tentes à cause de la marée. Il faut dire que les marées sont inégales entre la nuit et le jour. Diurne comme en France mais avec un coefficient plus élevé la nuit. Forcément on se fait avoir au moins une fois dans le séjour !
Vendredi 24 juin, les sternes sont avec nous pour déjeuner à l’entrée de Barry Arm. Le soleil revient et le soir nous avons une vue superbe sur le glacier Cascade. Sur le chemin, nous apercevons un ours. Au total, nous en aurons vu 4 ou 5 mais à chaque fois de loin.
Depuis le début de la randonnée, c’est un émerveillement quotidien face aux paysages et à la faune. Nous en prenons plein les mirettes. Sommets enneigés, torrents, îles, glaciers, forêts de sapins, roches, couleurs subtiles entre montage et mer.
Ici, nous entrons dans un nouveau territoire : moins de fond, moins de sapins, beaucoup de glaciers et des montagnes proches à 360°. Nous y verrons quelques baleines, des phoques et bien sûr, les incontournables : loutres et pygargues. Au fond dans le cul-de-sac du glacier Harryman, ce seront des marsouins, des colonies de guillemots et des oies sauvages.
Le samedi, nous passons du glacier Coke à Barry, Cascade puis Serpentin. Impressionnants et gigantesques. Il y a aussi la montagne qui sépare les glaciers Cascade et Barry ; ce dernier ayant bien reculé ces dernières années avec le réchauffement, la montagne est en train de s’affaisser et s’écrouler.
Comme souvent, le vent se lève l’après-midi et part des montagnes glaciers pour aller vers la mer. En kayak, on a l’habitude de la brise de mer. Dans Prince William Sound, c’est souvent une brise de montagne !
A l’approche du glacier Surprise, nous croisons un groupe de trois kayaks deux-places et un kayak qui partent sous le vent fort. Ce sont des débutants, sans protection (jupe) et ils sont dispersés d’au moins 1 km. Un jour il y aura un accident ! Un bateau moteur viendra sans doute les chercher en fin d’après-midi pour les ramener sur Whittier. Puis un groupe de 10 kayaks cherchant à s’installer. Pas bavards ces américains. Ils vont s’installer un peu plus loin.
Le dimanche, nous explorons les glaciers Surprise et Harryman. Toujours sous un temps d’été.
Mais nous nous sentons à l’étroit dans ce bras de mer entouré de montagnes. Il faut retrouver un horizon et un projet ! Il nous reste trois jours et demi avant de rentrer à Whittier où nous avons rendez-vous avec Ryan. Nous décidons d’aller au glacier Blackstone près de Whittier à 40 mn (75 km).
Le lundi 27 juin, c’est chose faite : on retrouve un horizon… et on recommence nos merathons ! journée de 21 mn (40 km). Nous nous arrêtons malgré nous à Ziegler Cove à cause du vent qui devient fort. C’est toujours le cas le lendemain matin, mais on tente tout de même de traverser la baie le matin. Le vent est si fort qu’on a du mal à tenir sa pagaie… On s’installe sur la plage pour lire et bronzer !
Vers 14h à l’étale de haute mer, le vent s’est adouci. Sans délai, on repart pour une traversée vers le cap « Decision Point », puis on longue la cote vers un bivouac de rêve où l’on croise une famille sur 2 kayaks deux-places : un couple avec leurs deux nièces adolescentes. Ils sont de Valdez et rentrent sur Whittier après 3 ou 4 jours autour de ce glacier. Ils connaissent bien la baie. En général, ils naviguent autour de 20 jours par an dans la baie. Un mode de vie qu’on aime.
Le mercredi, on va jusqu’aux glaciers. C’est magnifique. Ce spot de Blackstone est un lieu très touristique. Facile d’accès depuis Whittier, des « taxi boat » y dépose des groupes avec des kayaks pour la journée ou plus. De nombreuses tentes sont visibles le long de la cote. On y voit beaucoup de jeunes. C’est cool !
Seul bémol : les jet skis qui comme des moustiques tournent dans la baie pour quelques heures d’une prestation toute préparée. Ils sont arrivés il y a 4 ans à Whittier. On est loin de l’aventure « into the wild » ! Avec Marc, nous nous déplaçons vite et lentement en kayak. Vite car nous arrivons à parcourir nos 35 km par jour. Mais suffisamment lentement pour percevoir toutes les nuances des lieux et s’approcher des animaux. Sans bruit.
Sur le chemin du retour vers Decision Point, nous nous retrouvons dans une zone de vent contre-courant, faisant monter les vagues (« Strong point »). En plus, le vent est fort. Nous préférons faire une pause de 1h sur une petite plage. Arrivé à Decision Point après une journée de 22 mn (41 km), c’est avec plaisir de partager le camp avec un groupe de jeunes du Wyoming. Tous en K2.
Et surtout deux Alaskan Neil et Doug avec qui nous sympathisons. Ils vivent aujourd’hui à Anchorage et terminent aussi une randonnée. Nous les retrouverons à Whittier le lendemain et ils nous ramèneront à Anchorage. Une belle rencontre.
Notre vie de vagabonds se termine avec les derniers coups de pagaie le jeudi matin.
Nous mangeons avec Ryan et son fils Swen le midi. Ryan est un pro qui aime son métier de guide de kayak. Son parc de kayak est top avec des kayaks pour tous les niveaux et des pagaies et équipements de qualité. Quelqu’un avec qui on aimerait naviguer et échanger plus. Allez lire sa présentation ici : http://www.paddlersrealm.com/the-team/
La suite est l’arrivée à Anchorage dans notre hôtel auberge de jeunesse : Base Camp. On fait la connaissance de Frederica, Sara… Sara part 2 semaines sur un bateau de pêche dans la baie Kvichak près de King Salmon. Frederica fait de la marche depuis plusieurs mois. Elle est italienne et vadrouille seule entre le canada et l’Alaska.
Nous louons des vélos pour la journée de vendredi pour visiter Anchorage, faire du shopping et visiter le superbe musée d’Anchorage.
Fin du voyage. L’avion est le samedi matin à 6h. Tout recommence : le vol pour CDG est décalé de 2h au dernier moment… La correspondance pour Biarritz n’est pas assurée. Finalement, Marc passera en surbooking, mais nous arrivons avec la grève en France, et le sac d’expédition de Marc est perdu. Dur retour à la réalité !
pour ceux qui sont intéressés, voici les données GPS: