Je pagaie. Soyez patient ...

Disko, Groenland par Marc Estrade (2010)

Ma première expé   

Lors d’une randonnée en Ecosse en Avril 2009 avec Manche Ouest , j’ai adhéré à l’esprit de l’organisation « Scalbert » et j’ai cru possible une expé au Groenland. Quand Christian a confirmé ma participation le rêve a commencé. Les préparatifs matériels et physiques ont transformé ma passion en obsession selon mes proches. Et puis un jour après avoir refait dix fois mon sac en sacrifiant à la balance les excédents de bagages durement choisis,  c’est les retrouvailles à Roissy.
   Après Copenhague, Kangerlussaq, les premiers échanges avec une famille Inuit de Nuuk dans le dernier petit avion, ce sont les premiers émerveillements lors du survol du glacier d’Illulisat avant l’arrivée, où Kampe nous accueille.  Il nous régalera de baleine, chez lui,  avant de nous conduire pour nos achats de nourriture, puis à nos kayaks.
   Là, Christian montrera sa force d’improvisation et son culot dans l’épisode de la jupette. Lire l’ article.

   La première semaine nous contournons Arve-Prinsens par l’Ouest sous d’excellentes conditions. Cela me laisse faussement croire à la facilité de navigation dans cette région,  mais me permet aussi de chasser toutes appréhensions et de rentrer dans le bon rythme de l’expé.       Pour moi tout est enchantement, les premiers émois de navigation près (trop) des Iceberg aux formes évocatrices, le premier village de pêcheur Rodebay avec ses maisons colorées, les premiers oiseaux arctiques, la première baleine qui sera malheureusement la dernière. Seules les détonations lorsque les Iceberg se brisent, rappellent le risque potentiel.

    Les bivouacs de rêves s’enchaînent, même la rudesse de la toilette dans des torrents à 0 degré est un plaisir lorsque le soleil est de la partie et les moustiques pas trop présents. Le passage du 70ème parallèle est aussi un petit moment d’émotion ponctué d’anecdotes racontées par Christian. Le bizutage promis n’aura pas lieu ! Nous arrivons facilement le sixième jour au deuxième des trois villages que nous rencontrerons sur notre périple: Saqqaq,  berceau de la civilisation disparue,  des premiers nomades arrivés 2400 ans av JC.

Accueil par les enfants de Saqqaq

   Nous bivouaquerons avec respect près de tombes millénaires à ciel ouvert.

tombes millénaires près de Saqqaq

   C’est l’occasion de refaire quelques vivres. La suite du périple doit nous conduire au Glacier d’Eqip Sermia près duquel les Expéditions Polaires Françaises dirigées par Paul Emile Victor avaient établi leur camp de base pour étudier la calotte glaciaire en 1948.

    Cette partie va s’avérer quelque peu difficile pour donner sa vraie dimension à ce type d’expédition. Nous passerons rapidement devant le village de Qeqertaq presque incommodé par les odeurs mêlées de carburant, de poissons qui sèchent, d’ordures en train de brûler… Le modernisme amené par les Danois n’a pas que des effets bénéfiques.

     Le froid sera plus présent, les glaces plus denses. Après avoir longé des falaises ou des milliers de mouettes tridactyles et Goélands arctiques nous offrent un spectacle digne d’un reportage animalier, nous bivouaquons pour préparer notre traversée du lendemain. Celle-ci nous permettra de nous approcher des glaciers Kangilergnata et Eqip Sermia et contourner Arve-Prinsens par l’est pour le retour.

     Ca ne se passera pas exactement comme prévu, le vent a repoussé les glaces pendant la nuit. Après deux tentatives infructueuses dans une atmosphère un peu oppressante car le risque d’un coup de vent qui nous enfermerait dans les glaces est présent nous rebroussons chemin nous éloignant de l’île Qeqertakavsak et de la pointe Nord Est d’Arve-Prinsens que nous devions rejoindre.
  Là,  deux solutions se présentaient à nous : repartir sur nos pas, manquer le camp de base de Paul Emile Victor, les glaciers … et refaire le même chemin qu’à l’aller pour retourner à Illulisat ou, prendre le risque de longer la côte Nord de l’Ile dans le couloir entre les glaces et la falaise en priant que le vent ne se lève pas. Bien averti par Christian du risque potentiel, nous prions tous secrètement que la seconde option soit choisie prêt à respecter le choix fait quel qu’il soit. C’est pour moi le moment le plus fort de l’expédition avec une grande joie et reconnaissance pour le choix de continuer.
   On a vécu quelques heures de navigation magiques le long des falaises refuges à oiseaux hors du temps .Soudainement le vent s’est mis à souffler très fort heureusement face à nous lorsque nous atteignions la pointe NE où nous pûmes installer notre bivouac chahuté par le vent.     Deux bateaux de pêcheurs passeront la nuit à l’abri face à nous. Nous étions là par choix pour quelques jours, nous mesurerons la difficulté de leur vie alors que nous n’étions qu’en été.

  C’est heureux et joueur comme des gamins que nous avons pu nous approcher d’Eqip Sermia et visiter le camp de base de Paul Emile Victor chargé d’émotion, joie simplement gâchée par l’installation de quelques pavillons sur le site pour un tourisme de luxe.

Eqip Sermia

   La suite du parcours s’est faite dans de bonnes conditions sauf un jour que nous avons passé à terre les conditions étant trop mauvaises : vent, pluie et même un petit peu de neige.
Le bois étant rare le vieux traîneau repéré la vieille nous a permis de nous retrouver un peu et quitter la torpeur du duvet.

  Profitant de vent arrière, alertés par de possibles jours bloqués nous avons ensuite fait bonne route ce qui nous a ramené avec deux jours d’avance près de Rodebay, village croisé à l’aller à une demi journée de navigation d’Illulisat.

    Après discussion, nous avons décidé d’en profiter pour faire une journée de visite des alentours, kayak vide, en laissant notre bivouac en place. Mal nous en a prit. Après une étape téléphone public et vivres à Rodebay , ( nous n’avions pas eu de contact avec nos proches depuis le départ d’Illulisat), nous avons légèrement continué avant d’être stoppés par un vent violent.

     Nous passerons 4 h à attendre une accalmie qui ne viendra pas. Seule l’intensité s’est stabilisée et c’est avec inquiétude pour les moins aguerris (dont moi) que les 2 heures qui nous séparaient du camp ont été parcourues.

    Le lendemain à la sortie de la baie un bateau nous apercevant a fait demi tour, c’était Kampe venu gentiment nous proposer son aide inquiet par les conditions encore légèrement venteuses.
Ce ne fût en fait pas nécessaire mais l’escorte était sympa jusqu’à Illulisat.

L’après midi fût consacrée à la première mondiale de SUP au Groenland par le « Scalbert Team »  Voir la video.

Nous nous sommes ensuite comportés en touristes classiques le jour avant notre départ : hôtel , shooping, visite du glacier, … Si ce n’est le souvenir de Fred se prenant pour J.Travolta dans la seule bôite d’Illulisat où nous étions l’attraction car fréquentée que par des Inuit.

  Pour résumer ce type d’expérience est enrichissante bien sûr sur le plan « touristique » beauté des paysages, faune même si moins nombreuse que je l’aurai espérée, mais également sur le plan humain. Les conditions font que tous faux semblants dans les rapports disparaissent très vite et que le mot solidarité prend tout son sens.
  C’est l’occasion également de faire le point sur les vraies priorités de la vie, le temps de rêver ne manque pas, seul l’essentiel est nécessaire, cela associé à l’éloignement de tout, au calme et à l’immensité des lieux favorisent la réflexion.

  J’ai découvert une équipe formidable mon plus grand souhait aujourd’hui est de progresser dans la pratique et de repartir avec la dream team en Alaska l’an prochain.

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